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DECENTRALISATION ET PARTICIPATION DES POUVOIRS TRADITIONNELS AU MALI :  LE CAS DE LA REGION DE SEGOU

Dr Mamadou KOUMARE, enseignant-chercheur à l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSGB), Mali,  Email : koumaresdses@hotmail.fr

Crystal FU, Université de Wuhan, Chine, Email : 478584841@qq.com

Chiaka SAMAKE, enseignant-chercheur à l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSGB), Mali, Email : chiakasamake@gmail.com

Au Mali, à partir des années 90, malgré l’avènement de la décentralisation qui consacre la gestion des affaires publiques, notamment locales, par des collectivités territoriales pilotées par des organes élus, les chefs traditionnels, dont les modes de désignation s’opposent à priori aux principes démocratiques, occupent encore un rôle important dans la gestion de la vie publique locale. Pourtant, de l’époque coloniale à nos jours, les différents régimes qui se sont succédé (socialiste, parti unique et démocratique) ont développé des pratiques d’exclusion des chefs traditionnels de la gestion des affaires publiques à tous les échelons de la sphère de décision. En effet, jadis acteurs initiaux de la gouvernance de la vie collective ou communautaire, les chefs traditionnels ont vu leurs prérogatives tout simplement supprimées à l’arrivée du colonisateur français. A l’accession à l’indépendance, la situation n’a guère changé, car les nouveaux dirigeants voyaient également d’un mauvais œil l’implication des chefs traditionnels dans la gouvernance, notamment locale. En effet, ils les apercevaient comme des obstacles aux mutations socio-politiques et aux progrès économiques. C’est pourquoi, il fallait penser un nouveau mode d’administration centralisé des circonscriptions administratives et des quelques communes héritées du colonisateur français.  Donc, des années 1960 aux années 1980, le pays a vécu sous des modes d’administration typiquement centralisateurs et monopolisateurs de pouvoirs. Les circonscriptions administratives étaient gérées depuis le niveau central installé dans la capitale. Cette gestion laissait très peu de place à l’expression et au développement des initiatives de base, donc locales. C’est pour cela que les populations locales ne s’y reconnaissaient pas.

A partir des années 1990, avec l’avènement de la décentralisation et l’instauration des régimes démocratiques, l’implication des chefs traditionnels à la gestion des affaires locales a, une fois de plus, été occultée, parce qu’il fallait faire la place à de nouveaux dirigeants élus par voie d’élection, donc beaucoup plus légitimes et à mêmes de gérer efficacement les affaires locales. Mais, dans l’exercice de leurs fonctions, ces nouveaux élus (présidents, maires, conseillers…) n’ont pas tellement répondu aux attentes des populations en matière de développement de leurs territoires (Koumaré, 2016). Aussi, le mode de gestion décentralisée expérimenté et copié de l’extérieur, notamment de la France, est apparu parfois comme antinomique aux réalités des modes traditionnels de gestion de territoire (Béridogo, 2006) qui continuent de résister tant bien que mal puisque réclamés par les populations dans certains domaines bien précis.

   Ce détour diachronique nous permet donc de nous rendre compte que depuis l’époque coloniale à nos jours, les différents régimes, qui se sont succédé au Mali, ont cherché à écarter les chefs traditionnels de la gestion des affaires locales sans pourtant trop y parvenir.

    Ce constat, nous a amené à chercher à comprendre la résistance des pouvoirs traditionnels, au fil du temps, aux différentes politiques de gestion des affaires publiques, notamment la décentralisation. L’étude revêt d’une grande pertinence actuellement au Mali, car le pays traverse une crise socio-sécuritaire et de gouvernance et il est question de plus en plus de réhabiliter les chefs traditionnels par rapport à certains domaines spécifiques de la décentralisation, singulièrement la gestion des ressources naturelles, des crises et des conflits. En effet, certaines recommandations de l’atelier sur les états généraux de la décentralisation, tenu au Mali en 2013, demandent la responsabilisation des pouvoirs locaux, particulièrement dans la prévention et la gestion des conflits locaux en adoptant si besoin de nouvelles dispositions légales et réglementaires[1]. Cette responsabilisation, tant souhaitée, n’est autre chose que la reconnaissance du rôle des pouvoirs traditionnels dans la gestion des affaires locales compte tenu de l’incapacité des élus locaux.

   Pour réaliser cette étude, nous avons décidé de nous pencher sur le cas de la région de Ségou, la quatrième région administrative du Mali. Le choix de cette région s’explique par le fait que nous y menons depuis le début des années 2000 des travaux de recherche. Notre présence longue dans la région de Ségou nous permet donc de nous inscrire dans une démarche diachronique en enquêtant auprès des populations au fil du temps. Enfin, le choix de cette région s’explique aussi par le fait que sa vie socio-politique est historiquement marquée par la chefferie traditionnelle. C’est donc une région qui offre la matière d’analyse.

    L’article comporte trois sections. La première section aborde la décentralisation et les enjeux de la participation des chefs traditionnels. Quant à la deuxième section, elle présente la démarche méthodologique, tandis que la troisième section présente les résultats de notre étude.

I.  DECENTRALISATION ET PARTICIPATION DES AUTORITES TRADITIONNELLES : ENJEUX, CLARIFICATION CONCEPTUELLE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Parlant de la participation des acteurs locaux aux affaires publiques, la Banque Mondiale[2] affirme : « les programmes publics donnent de meilleures résultats lorsqu’ils sont exécutés avec la participation des bénéficiaires et lorsqu’ils exploitent le potentiel associatif de la collectivité. Cela facilite leur exécution, se traduit par des résultats plus durables et permet une meilleure information en retour » (1997). Cette participation des acteurs et pouvoirs locaux doit passer par une refondation de l’Etat symbolisé par la centralisation des pouvoirs de décisions, la lourdeur administrative, la corruption et la mauvaise gestion des ressources. Sur ce sujet Bierschenk et De Sardan (1998) nous indiquent que les projets de décentralisation en Afrique reposent en règle générale sur le présupposé explicite que la trop grande centralisation des décisions politiques au sommet de l’Etat étouffe les initiatives politiques et économiques locales. Ainsi, la refondation de l’Etat permettrait de corriger cette situation en le rendant plus capable et efficace pour non seulement répondre à la demande des biens collectifs, mais aussi inciter la croissance comme le soutient encore la Banque Mondiale : « Les pouvoirs publics sont plus efficaces s’ils sont à l’écoute des acteurs de la vie économique et des citoyens, et s’ils les associent à l’élaboration et à l’application des politiques » (1997).

   À travers ces quelques lignes, l’on se rend compte de la pertinence et des enjeux de la décentralisation en matière de quête de développement participatif local, une approche qui met au cœur des débats la nécessaire participation des populations locales à la construction et au développement de leur territoire. Il s’agit de restituer aux populations locales le pouvoir de décision des actions de développement territorial. Cette restitution passe par la décentralisation qui a été une demande forte de la population malienne en 1992, lors de la conférence nationale, comme le rapporte Kassibo (2006) « Ka mara la segi so » en bambara, ce qui veut dire « retour du pouvoir ou de l’autorité à la maison ou au niveau local » où les chefs traditionnels sont fortement sollicités, car « profondément assimilés par habitude » selon l’expression de Max Weber (Kauffmann, 2014).

   Justement, l’utilisation du concept de chef traditionnel ou de chefferie traditionnelle, dans les documents officiels, remonte à l’époque coloniale (Salifou, 2007). En effet, pour désigner les formes d’organisation de pouvoirs locaux des indigènes, les autorités coloniales françaises ont utilisé les expressions de chef coutumier, de chefferie africaine traditionnelle ou de chef indigène dans les années trente. Au début, l’administration coloniale a opté pour la suppression pure et simple des pouvoirs locaux, car jugés dépassés et opposés au changement, mais avec le temps, elle a compris qu’elle pouvait les utiliser comme auxiliaires administratifs en fonction des réalités propres à chaque milieu. C’est dans ce contexte que certains chefs traditionnels ont été nommés comme chefs de canton. Par contre, tous les chefs traditionnels, qui ont manifesté de la résistance à l’encontre des français, ont été combattus et remplacés.

A l’accession du pays à l’indépendance en 1960, les différents régimes qui se sont succédé au Mali ont développé soit une politique d’exclusion des chefs traditionnels, soit une politique d’inclusion bien calculée et maitrisée. Pour chacun de ces régimes, la question de l’implication ou non des chefs traditionnels à la gestion de la vie publique locale a été une équation difficilement résoluble.

   Dans les lignes ci-dessous, nous essayons de comprendre ce que recouvre le concept de chef traditionnel ou de chef coutumier qui continue d’alimenter les débats sur la décentralisation, notamment la prise en compte de la participation des acteurs locaux qui jouissent d’un ancrage socioculturel et de la considération d’une bonne partie de la population.

   Les chefs sont dits traditionnels lorsqu’ils sont désignés selon les coutumes et les traditions de chaque village, fraction ou quartier (Institut de Recherche et débat sur la Gouvernance (IRG) et Centre d’Expertises Politiques et Institutionnelles en Afrique (CEPIA), 2007). A ce titre, ils sont détenteurs de pouvoirs endogènes ou ancestraux dont ils sont les garants et sur lesquels ils s’appuient pour gouverner ou administrer. 

Dans le système traditionnel (Ouédraogo, 2006), la légitimité du pouvoir traditionnel dérive de son ancrage dans les rites locaux fondamentaux, mais aussi de la perception de la chefferie comme continuation d’un système endogène de valeurs sociales et culturelles. En d’autres mots, cette légitimité de ces pouvoirs traditionnels résulte non seulement de leur immersion dans le milieu et les réalités sociales et culturelles locales, mais aussi du fondement ancestral dont ils se réclament. Ce fondement repose sur la séniorité et l’antériorité.

   La séniorité ou la primogéniture (Béridogo, 1997) qui est conférée par l’âge biologique, est régie par la préséance dans la naissance, elle est synonyme de détention de pouvoir et de savoir. Le statut d’aîné entraîne le droit d’exercer un pouvoir sur les cadets en famille et au sein du village. Dans le cadre de l’administration villageoise, les aînés sont les chefs de lignage, de famille (groupe domestique de production économique et de reproduction sociale) et les adultes initiés faisant généralement partie de la génération des pères d’un lignage. En effet, l’âge accordait la légitimité (Sanakoua, 2007). Selon l’auteure, on choisissait le dirigeant en fonction de l’âge, le plus âgé étant celui qui se rapprochait le plus des ancêtres. Une assemblée de patriarches ou d’autochtones âgés formalisait le choix du dirigeant. En effet, poursuit-elle, le choix des dirigeants était trop important dans ces sociétés, pour que tout le monde y participe. N’importe quel vieux ne pouvait accéder au pouvoir que s’il appartenait à l’élite qui tient sa légitimité soit de la conquête du territoire, soit de l’appartenance à la descendance des dirigeants.

   Il ressort de ces propos que certains principes caractérisent la chefferie traditionnelle : son ancrage socio-cultuel, son inscription dans la sauvegarde des valeurs ancestrales, la primauté de l’antériorité et de la séniorité, la possession de savoir ou de compétence dans un domaine bien précis de la vie communautaire. Cependant, les détenteurs de savoir ou de compétences spécifiques ne provenaient pas forcement de la lignée du chef de village ou communautaire. Ils pouvaient être issus d’autres familles et groupes sociaux (forgeron, griot…). A cet égard, ils étaient associés à la gestion de la vie communautaire (le culte, la chasse, la médecine traditionnelle, la communication, l’artisanat…). Cela entraîne une multiplication de chefs communautaires autour du chef de village. Ce sont :

  • les conseillers du chef de village ;
  • le chef de terre ;
  • le chef des eaux ;
  • le chef des forêts ;
  • le chef du culte/spirituel ;
  • le chef des chasseurs ;
  • le chef des forgerons ;
  • le chef des griots (communicateur traditionnel).

   A ces chefs communautaires qui travaillaient en étroite collaboration avec le chef de village dans la gestion de la vie communautaire, s’ajoutent les chefs des tons (groupements) de femmes et surtout de jeunes qui s’occupaient de l’exécution de tous les travaux d’intérêt collectif sous la conduite des anciens.

  Ici, on s’aperçoit que la chefferie traditionnelle regroupe un ensemble de chefs, qui chacun en ce qui le concerne, détient un pouvoir particulier dans la vie communautaire régie par des règles et des conventions qui organisent, d’une part, l’accès aux ressources, singulièrement la terre et, d’autre part, l’accès aux instances de prise et d’exécution de décisions.

   Notre questionnement s’articule comme suit : comment les chefs traditionnels ont été impliqués à la gouvernance des territoires de l’époque coloniale à nos jours ? Comment leurs rôles ont évolué dans la gestion du pouvoir de la période précoloniale jusqu’à l’ère démocratique marquée par l’avènement de la décentralisation ? Enfin, comment les chefs traditionnels, dont la légitimité vient, selon Weber, de l’importance socialement accordée aux habitudes, coutumes et traditions établies au cours du temps (Kauffmann, 2014), peuvent participer à la décentralisation?

   Pour répondre à ces questions, nous partons de l’hypothèse selon laquelle les chefs traditionnels, malgré l’avènement de la décentralisation au Mali qui fait la place à un mode de gestion des affaires locales par les représentants des populations choisis par voie de démocratie (choix libre par vote), continuent de jouer d’importants rôles dans la vie locale (la prévention et la gestion des conflits locaux à travers des mécanismes endogènes, la gestion du foncier et des ressources naturelles par des conventions locales). En cela, nous faisons les nôtres les propos de Ouédraogo selon lesquels : « Les chefferies traditionnelles continuent d’exercer une influence forte sur le cours de la vie politique, économique et sociale locale. Bénéficiant de la reconnaissance, du respect et de la considération de la majorité des populations rurales, elles s’imposent de fait comme des interlocuteurs incontournables de l’État, des projets de développement et des bailleurs de fonds » (2006).

II.  MATERIEL ET METHODES

2.1.  Le choix du terrain

Comme nous l’avons dit précédemment, le choix de la région de Ségou provient du fait que nous menons depuis une quinzaine d’années, des travaux de recherche dans cette région. Notre présence longue nous permet donc de nous inscrire dans une démarche diachronique en enquêtant auprès des populations au fil du temps. Enfin le choix de cette région s’explique aussi par le fait que la vie sociopolitique de cette région est historiquement marquée par la chefferie traditionnelle.

2.2.  La collecte et la production des données 

Pour la recherche de données documentaires, nous avons surtout exploité les différents travaux de recherche sur la question de la participation de la chefferie traditionnelle à la gestion du pouvoir et des affaires locales. En effet, nous avons profité de l’existence d’une littérature savante assez abondante que nous avons complétée par l’exploitation de rapports et de documents nationaux sur la question.

En ce qui concerne la collecte des données de terrain, nous avons retenu l’entretien semi directif collectif et individuel. A cet effet, nous avons élaboré un guide d’entretien afin de récolter les informations sur le processus de la déconcentration auprès des différents acteurs concernés, notamment, les cadres administratifs, les élus locaux, les chefs traditionnels, les personnes ressources en fonction de leur disponibilité. Le choix de l’entretien semi directif (en groupe et individuel) s’explique par le fait qu’il nous permet de collecter abondamment des données qualitatives de façon flexible.

2.3.  Le traitement des données

Par rapport au traitement des données recueillies, nous avons privilégié l’analyse de contenu afin d’étudier de façon systémique et diachronique l’évolution de la place et du rôle des chefs traditionnels dans la gouvernance territoriale, particulièrement au niveau local.

Les données recueillies sur le terrain dans la langue locale (Bambara) ont été transcrites en français et soumises à des analyses thématiques.

III. PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS DE L’ANALYSE DIACHRONIQUE DU PROCESSUS DE DECENTRALISATION ET DE L’EVOLUTION DES FONCTIONS ET ROLES DES AUTORITES TRADITIONNELLES

La décentralisation au Mali a connu un long processus qui prend ses racines pendant la période coloniale. Les lignes ci-après essayent de mettre en évidence le difficile avènement de la décentralisation dans le pays. Elles soulignent singulièrement l’évolution de la place et des rôles des autorités traditionnelles dans la gestion du pouvoir et de l’action publique locale.

3.1. Pendant l’époque coloniale (1890-1960) : la chefferie traditionnelle supprimée ou érigée en institution auxiliaire de l’administration

Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’administration des territoires sous forme de circonscriptions et de collectivités (communes) au Mali, remonte à l’époque coloniale. En effet, malgré la politique de centralisme rigide qui prévalait, l’administration coloniale française a procédé à des découpages administratifs, afin d’organiser les populations pour leur meilleure participation à l’exploitation des ressources locales par la métropole. C’est dans ce contexte que des communes mixtes ont été créées, notamment à Bamako et Kayes par l’arrêté général du 20 décembre 1918. Les communes mixtes étaient administrées par un collège français et un collège indigène avec à leur tête un maire nommé par l’administration coloniale. Celle-ci a créé plus tard en 1953 deux autres communes mixtes à savoir celles de Ségou et de Mopti. Deux ans après, par la loi N° 55-1489 du 18 novembre 1955, les premières communes furent transformées en commune de plein exercice avec des organes de gestion élus. A partir de 1958, de nouvelles communes mixtes ont vu le jour. Il s’agit des communes de Kita, Kati, Koutiala, Koulikoro, San, Tombouctou, Gao, Nioro et Sikasso. Au total sous le régime colonial, le Mali comptait 13 communes (Observatoire du Développement Humain Durable, 2002). Celles-ci avaient des compétences limitées aux questions administratives à savoir l’état civil, le recensement, les archives et la documentation, les questions de l’hygiène et de l’assainissement. Les autres compétences particulièrement économiques et politiques relevaient du gouverneur général français assisté par des commandants qui s’appuyaient de leur côté sur les chefs de canton comme auxiliaire de l’administration dans le cadre de l’animation rurale.

Il faut noter qu’une bonne partie des chefs de canton étaient à l’origine des chefs de village. En effet, les chefs de village qui se sont accommodés à la présence française ont été nommés chefs de canton.

   Selon Traoré (2006), les chefs de canton étaient, après consultation de la commission cantonale, nommés par le gouverneur sur proposition motivée du commandant. Le canton était l’instance supérieure qui coiffait toutes les autres structures du pouvoir traditionnel. Les ordres du pouvoir colonial étaient diffusés à partir des cantons qui les répercutaient sur les autres structures dont la plus petite était la famille ou le foyer qui correspond à l’espace occupé par un ménage qui peut être composé d’un homme avec sa ou ses femme (s) et ses enfants.

   En plus de relayer les ordres du commandant, les chefs de canton étaient chargés du prélèvement des impôts (Godin-Bilodeau, 2010), le recrutement pour les travaux forcés, (Sanakoua, 2007) ; ils faisaient exécuter les réquisitions, percevaient les contributions exceptionnelles de guerre auprès des commerçants et des dioulas (commerçants traditionnels) ; ils encourageaient aussi les jeunes gens à s’engager dans l’armée enfin, ils poussaient les hommes adultes à racheter les journées de prestation de travail qu’ils devaient à l’administration (Salifou, 2007).

   A travers ce qui précède, l’on se rend compte que la chefferie traditionnelle ne rentrait pas dans un premier temps dans le dispositif de gouvernance du régime colonial qui utilisa le concept de chef traditionnel pour désigner les formes d’organisation de pouvoirs locaux des indigènes. Ces formes d’organisation jugées rétrogrades par rapport à la modernité et au progrès devaient simplement disparaitre. Mais par nécessité, en fonction des réalités des milieux, certains chefs traditionnels ont été nommés chefs de canton pour servir d’auxiliaires administratifs.

3.2. Sous la première république (1960-1968) : la chefferie cantonale, auxiliaire et instrument du colonialisme

Le fait le plus marquant sous la première république a été de prendre en compte, dans la constitution, la mise en place de collectivités administrées librement par des élus[3]. Mais dans la pratique, cela n’a jamais été effectif. En effet, le Mali en accédant à l’indépendance a opté pour une voie de développement socialiste qui reposait sur un Etat très centralisé autour d’une économie dirigée à travers un plan quinquennal. Cela explique la concentration de tous les pouvoirs dans les mains de l’administration avec une forte instrumentalisation des populations locales pour la cause nationale. Les autorités étaient beaucoup plus préoccupées par la construction d’un Etat-nation et le transfert de réels pouvoirs aux collectivités était perçu comme un risque de développement de velléités sécessionnistes. A l’époque, comme circonscriptions administratives, on notait 6 régions (Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti, Gao et Tombouctou) 42 cercles, 205 arrondissements et 13 communes (Béridogo, 2017) toutes urbaines avec une normalisation des communes mixtes en communes de plein exercice dont les maires étaient encore nommés même si les textes prévoyaient leur élection. Aussi, les activités de ces communes se limitaient aux compétences administratives : état civil, recensement, hygiène et assainissement, archives et documentation.

   En ce qui concerne l’implication des chefs traditionnels aux activités des communes citées ci-dessus, les autorités de la première république décidèrent de la suppression pure et simple des autorités et institutions traditionnelles, car le régime socialiste de l’époque les considérait comme le dernier bastion de l’obscurantisme et de la réaction (Traoré 2006). Pour ce régime, selon Godin-Bilodeau (2010) à la suite de Rawson, il fallait non seulement écarter définitivement les leaders coutumiers, mais aussi barrer la route à la classe commerçante tout en contribuant à la promotion d’une nouvelle classe formée de fonctionnaires. En effet, pour cette génération de dirigeants, la chefferie cantonale, auxiliaire et instrument du colonialisme, n’offrait plus qu’une caricature de ce qu’étaient les chefs traditionnels avant la colonisation. Du coup, la première république opposait systématiquement une modernité incarnée par l’Etat à une tradition symbolisée par les chefs traditionnels, comme deux mondes complètement étrangers l’un à l’autre (Perrot, 2009) donc qui ne peuvent marcher ensemble d’où une politique d’exclusion des autorités traditionnelles. A travers cette politique, l’État devient le seul propriétaire légal des domaines fonciers et des ressources naturelles sur l’ensemble du territoire (principe de la domanialité). Comme tout régime socialiste, celui du Mali reposait sur le centralisme d’Etat. Donc, la gouvernance des circonscriptions administratives revenait exclusivement aux cadres administratifs nommés qui ne recouraient aux chefs de village que pour lever les impôts et informer les populations.

3.3. Sous la deuxième république (1968-1991) : la politique de développement à la base ensuite du développement local replace la chefferie traditionnelle dans la gestion des affaires locales malgré le centralisme d’Etat.

La politique de décentralisation développée sous cette république fut pratiquement la même que celle qui l’a précédée à savoir le centralisme d’Etat avec des administrateurs (gouverneurs, commandants de cercle et chefs d’arrondissement parfois militaires) nommés par l’Etat pour diriger les circonscriptions et les collectivités territoriales (communes). Comme mesures administratives, nous notons l’adoption de l’ordonnance N° 77-44/CMLN du 12 juillet 1977 organisant le pays en circonscriptions administratives et collectivités territoriales et surtout avec Bamako comme capitale organisée en district comprenant six communes. A travers ce texte, le découpage administratif comprenait : les régions, les cercles, les arrondissements, les communes, les villages et les fractions pour le milieu nomade. Le pendant de ce découpage administratif a été l’élaboration d’une politique de développement local, principalement à travers les tons villageois et les associations villageoises[4]. En effet, l’autorité militaire a lancé la politique de promotion des tons et associations villageois comme cellule du développement local. Ainsi, il revenait désormais aux associations et tons des villages d’assurer le développement local sous la conduite de l’administration dans les circonscriptions administratives.

   Avec la deuxième république, le recours aux associations villageoises et tons villageois est explicitement associé à un retour aux pouvoirs coutumiers et aux solidarités « traditionnelles » (Godin-Bilodeau, 2010). Ces deux organisations traditionnelles d’entraide et de solidarité, dans lesquelles se reconnaissaient très généralement l’ensemble des populations rurales en milieu Bambara, ont inspiré les dirigeants militaires de l’époque qui, à travers le plan quinquennal de développement économique, social et culturel de 1981-1986, ont voulu bâtir une politique de développement rural local centré sur la coopération dont le levier est le ton villageois, une organisation à caractère coopératif. Pour l’une des rares fois, les autorités se sont inspirées de l’expérience du ton traditionnel villageois, un patrimoine socio-organisationnel. Cette identification des populations à cette organisation est due également au fait que le ton et l’association font référence à l’appartenance à un territoire villageois ou communautaire, c’est-à-dire s’identifie à un village ou à une communauté possédant un territoire (Koumaré, 2013).

Dans l’animation des tons et associations villageois, les chefs de village jouaient d’importants rôles dont entre autres : la mobilisation des populations lors des évènements, l’appui aux commandants dans le recouvrement des impôts et taxes locaux, la réception des autorités administratives, la gestion des conflits fonciers et intercommunautaires. Tous ces rôles étaient assurés de fait, car ils ne reposaient sur aucun texte. Le parti unique de l’époque à savoir l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM) avec ses deux branches (Union Nationale des Femmes du Mali (UNFM) et l’Union Nationale des Jeunes du Mali (UNJM), était censé pouvoir organiser les populations autour des questions de développement de leurs localités où les chefs de village ou de quartier disposaient d’un ancrage socioculturel. C’est la recherche de cet ancrage socioculturel qui explique le recours aux organisations traditionnelles comme le ton et l’association villageoise à côté des structures de l’UDPM qui géraient en réalité les affaires locales. A propos de ce recours, Dembélé (1981) nous rapporte :

« Le retour au ton, mais ce retour à la tradition ne signifie nullement ‘’un refuge’’ stérile dans le passé ou une détermination terrible aveugle et suicidaire à œuvrer à contrecourant du progrès. Il s’agit plutôt, ce faisant, de prendre appui sur nos réalités pour bâtir patiemment et sûrement une nouvelle société conforme à notre culture et en parfait accord avec notre passé….. ». 

Ici, l’on se rend compte que sous la deuxième république, les chefs traditionnels bien que indésirables au début ont servi d’appui aux autorités de l’époque pour donner un ancrage socio-culturel à leurs actions de développement local. Cela replace d’une façon les chefs traditionnels dans la gestion des affaires locales même si cela n’était pas le souhait des autorités.

3.4. Sous la troisième république (depuis 1992) : le retour du pouvoir à la maison à travers les élus locaux sans les chefs traditionnels

A travers l’instauration de la démocratie suite à un mouvement populaire révolutionnaire en 1991, le Mali, s’est doté d’une nouvelle constitution qui consacre la création des collectivités territoriales dirigées par voie de démocratie directe. En effet, lors de la conférence nationale en 1991 qui a réuni toutes les forces vives du pays, l’une des principales demandes des populations, surtout rurales, a été la décentralisation qui est comprise, selon Kassibo (2006), comme le « retour du pouvoir au terroir ou à la maison ». C’est pourquoi le processus a suscité tant d’engouement chez les populations.

Le premier régime, démocratiquement élu en 1992, s’est lancé dans la mise en œuvre de cette volonté populaire avec la mise en place de la mission de décentralisation en 1993, l’organe d’exécution de cette réforme politique et administrative. Au-delà de cette volonté politique et de la demande sociale, il faut noter que cette décentralisation s’inscrit également dans le cadre des politiques internationales de développement, surtout avec la Banque Mondiale qui en fait une des conditionnalités en matière d’aide aux pays en voie de développement. Donc, elle est le fruit des conjonctions nationales et internationales. Dans le cas du Mali, la décentralisation cherche à :

  • prolonger le processus de démocratisation à la base ;
  • redonner le pouvoir de gestion locale aux populations elles-mêmes ;
  • créer le cadre propice à la promotion des initiatives locales[5].

Conformément à loi n° 93-008 du 11 Février 1993 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales, les collectivités suivantes dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière ont été créées : les régions qui se subdivisent en cercles, les cercles en communes urbaines ou rurales et les communes en quartiers pour les premières et en villages ou fractions pour les secondes (Kassibo, 2007). Le tableau ci-dessous dresse la situation des collectivités et leurs organes de gestion au Mali.

Collectivités territorialesOrganes délibérants et exécutifs élusNombre
les régionsconseil régional10
le district de Bamakoconseil du district1
les cerclesconseil de cercle49
  les communesurbaineconseil communal élu et piloté par un bureau communal96
rurale607
Total703
Tableau n°1 : Les collectivités et les organes de gestion

            Source : construit par nos enquêtes

NB : Il faut noter que le Mali compte présentement (2022) dix régions fonctionnelles et dix régions en cours de création.

Ce sont les collectivités qui ont en charge les questions de développement de leurs territoires. Un code des collectivités territoriales a été élaboré à cet effet en 2002 et révisé en 2017. Ce code définit les attributions de chaque niveau de collectivité.

   Dans notre travail, nous nous focalisons sur l’échelon communal. Cet échelon, nous offre l’opportunité d’interroger la participation des chefs traditionnels à la gestion locale ou de proximité de l’espace et de l’action publics. A cet effet, nous essayons de voir l’implication des chefs de village et autres autorités traditionnelles dans l’accomplissement des missions du conseil communal composé uniquement d’élus. En effet, tout en étant exclus, leurs avis sont demandés sur certaines attributions du conseil.

Selon l’article 26 du code des collectivités territoriales, l’avis des conseils de villages, de fractions et/ou de quartiers concernés est obligatoirement requis par le conseil communal sur certaines d’entre elles. Ce sont :

  • la voirie, les collecteurs de drainage et d’égouts ;
  • le transport public ;
  • l’occupation privative du domaine public de la collectivité ;
  • le cadastre ;
  • l’organisation des activités rurales et de production agricole et de santé animale ;
  • la création et l’entretien des puits et points d’eau ;
  • les plans d’occupation du sol et les opérations d’aménagement de l’espace communal ;
  • la lutte contre les pollutions et les nuisances ;
  • la gestion des ressources forestières, fauniques et halieutiques ;
  • la gestion des domaines public et privé communaux ;
  • l’implantation et la gestion des équipements collectifs.

   Cependant, dans la pratique, l’application de cet article, prévoyant la participation des chefs traditionnels, pose problème, car les textes ne disent pas clairement comment les chefs de villages et leurs conseillers sont consultés et ces mêmes textes sont muets sur leur prise en charge (indemnités de participation ou tout autre intéressement). Seulement, les textes fixent les modalités de nomination des chefs de village/quartier et leurs conseillers. La nouveauté dans ces textes est la prise en compte des coutumes et traditions dans la nomination des chefs de village et de quartier.

En effet, selon l’article 2 de l’Arrêté[6] de nomination des chefs de village, la désignation du chef de village, de fraction et de quartier se fait selon les coutumes et les traditions reconnues dans chaque localité.  Ces coutumes et traditions doivent être communiquées par le conseil de village, de fraction ou de quartier au représentant de l’État dans la commune ou dans le District de Bamako qui dressera un procès-verbal signé par les membres du conseil.

   L’article 4 stipule que le chef de village, de fraction ou de quartier d’une commune urbaine de l’intérieur est nommé par décision du représentant de l’État dans le cercle après avis du conseil communal et du représentant de l’Etat au niveau de la commune.

S’agissant de la désignation des membres des conseils de village, selon l’article 4 du Décret de nomination des conseils de village[7], les conseillers sont désignés en assemblée générale des chefs de familles recensés dans les villages, fractions ou quartiers ou leurs représentants. L’article 5 précise que la désignation des conseillers se fait par consensus, suivant les procédures traditionnelles propres à chaque communauté, en présence du représentant de l’État au niveau de la commune et du Maire. L’article 7 ajoute que le conseil se réunit sur convocation du chef de village, de fraction ou de quartier et sous sa présidence.

   À travers toutes ces dispositions, on se rend compte qu’au Mali, les autorités administratives et politiques ont plus ou moins compris que pour un meilleur ancrage socioculturel de la gouvernance territoriale, il est indispensable de mettre à profit les références culturelles et les vécus des populations (Sy, 2009).  En effet, les chefs de village et coutumiers continuent de jouer un important rôle et sollicités à cet effet par les populations, les élus locaux et régionaux censés répondre à leurs besoins dans la gouvernance de l’espace public local et national. Par exemple, selon Sy (2009) dès que l’Etat vit des épreuves ou des crises socio politiques graves, c’est vers ces derniers que les décideurs publics se tournent pour la recherche de solutions qui garantissent la stabilité.

   Aujourd’hui, les chefs de village et de quartier sont devenus incontournables dans les domaines de l’information et de la mobilisation communautaire, la résolution coutumière des litiges, la gestion des ressources naturelles et la réconciliation (Bamako, 2015). De ce fait, les chefs de village, de quartier et de fraction demeurent les derniers carrés laissés à l’exercice officiel des pouvoirs traditionnels (Traoré, 2006), car beaucoup plus légitimes grâce à leurs capacités de gérer les préoccupations des populations dans les domaines cités ci-dessus. En effet, le problème majeur de la démocratie et de la décentralisation au Mali provient de la faiblesse de son ancrage social, historique, culturel et économique lié au fait que les populations locales se reconnaissent le plus souvent aux chefs traditionnels qu’aux dirigeants élus par voie de démocratie à l’occidentale.

C’est compte tenu de toutes ces raisons que les états généraux sur la décentralisation au Mali, tenus en novembre 2013, ont fortement recommandé la réhabilitation de ces autorités traditionnelles dans les questions de gouvernance de leurs collectivités par des mesures comme :

  • la responsabilisation des pouvoirs locaux dans la prévention et la gestion des conflits locaux, des questions sécuritaires, de réconciliation en adoptant au besoin de nouvelles dispositions légales et règlementaires ;
  • la revalorisation et la mise en œuvre des mécanismes endogènes (traditionnels) de gestion des questions de développement local spécialement les conventions locales autour de la gestion des ressources naturelles ;
  • le renforcement du rôle des autorités élues et des chefs coutumiers dans la gestion sécuritaire à travers la territorialisation des approches de maintien de la sécurité publique ;
  • la promotion des concertations communautaires et intercommunautaires aux niveaux local et national, spécialement la réhabilitation des semaines locales et de la semaine nationale de la paix ;
  • la constitution du répertoire des chefs traditionnels[8].

   Cette forte recommandation vient d’être renouvelée par les Assises Nationales pour la Refondations (ANR), tenues du 27 au 29 décembre 2021. Entre temps, l’Etat a institué le 11 décembre de chaque année comme journée de la chefferie traditionnelle au Mali. L’Etat malien vient également de lancer un processus d’installation officielle des chefs de village et quartier comme représentants de l’Etat. Désormais, le drapeau national flottera à l’entrée de la concession des chefs de village et quartier qui porteront également l’écharpe et l’insigne aux couleurs nationales.

   Cette tentative de réhabilitation des chefs traditionnels, tant souhaitée par une grande majorité des populations, connaît des difficultés liées à la faiblesse des textes, à l’insuffisance des ressources, mais également aux mauvaises pratiques de certains chefs traditionnels dues à leur conception paternaliste, patrimoniale et ancestrale du pouvoir. Aussi, le pays connaît une diversité d’autorités traditionnelles aux relents identitaires sur fonds de clientélisme et aux modes de choix parfois héréditaires donc monopolisateur de pouvoirs (Koumaré, 2017), donc d’accaparement de ressources. En effet, la gestion des chefs traditionnels n’est pas exempte de reproches de détournement, de confiscation, d’abus de pouvoir de gestion des biens publics, donc « de complaisances à l’égard de leurs personnes » (Kauffmann, 2014). Les valeurs socioculturelles de probité, d’équité, de respect de l’engagement et de la parole donnée, socles et garanties de la vie en collectivité, sont de plus en plus foulées au pied. Pourtant, c’est pour ces valeurs que les chefs traditionnels sont réclamés. Aussi, la collaboration entre les pouvoirs publics et les chefs traditionnels est jalonnée souvent de connivence et de conflit de compétence, sinon d’intérêt. Selon Ouédrago (2006), en tant que pouvoirs locaux, les chefs traditionnels entrent régulièrement en relation, tantôt de négociation et de partenariat, tantôt de confrontation avec les pouvoirs publics. Donc, l’implication des chefs traditionnels au processus de décentralisation est à analyser sous l’angle de la conquête, sinon de la reconquête du pouvoir pour servir et s’en servir. Il ne s’agit donc pas de dresser l’oreiller pour les chefs traditionnels, mais de s’interroger sur ce que leur implication peut améliorer dans la gouvernance de l’espace public local et cela comment s’y prendre.

CONCLUSION

Au cours de cette étude, nous sommes partis de l’hypothèse selon laquelle, les chefs traditionnels continuent de jouer d’importants rôles dans la gouvernance locale, notamment en matière de prévention et de gestion de conflit, même si le dispositif de gestion du pouvoir tracé par la décentralisation leur accorde peu de place ou de prérogatives. Le recours aux chefs traditionnels s’explique par le fait que les différents modes de gestion de l’action publique locale expérimentés par les différents régimes, qui ont géré le Mali, ont montré des limites, car ils ne prenaient pas en compte les réalités socioculturelles des territoires. L’étude nous a permis de nous rendre compte que les valeurs socioculturelles de probité et de justice de gestion de pouvoir sont encore réclamées par les populations, mais nous nous demandons si les chefs traditionnels incarnent encore ces valeurs compte tenu parfois de leur gestion clanique et clientéliste des affaires locales en fonction du statut social des citoyens. Cela nous amène à dire à la suite de Traoré (2006) que l’enjeu de l’implication des chefs traditionnels au processus de la décentralisation ne se situe pas au niveau d’un bouleversement du fonctionnement, ni du dédoublement des institutions traditionnelles, mais d’une direction à trouver ensemble dans la construction d’un avenir pour tous à partir du consensus, du partage, du dialogue et de la négociation.

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Mali, Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL). (2013), Guide pratique du maire et des conseillers communaux.


Notes

[1] Mali, Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL). (2013), Guide pratique du maire et des conseillers communaux.

[2] Banque Mondiale. (1997), Rapport sur le développement dans le monde, L’Etat dans un monde en mutation, New York.

[3] Loi N° 60-3 AL-RS du 7 juin 1960 portant organisations des régions et des Assemblées régionales au Mali.

[4] Le ton est un terme bambara qui signifie en français groupe, association, union ou communauté. Il est l’un des fondements de l’organisation de la société traditionnelle malienne. Institution ancestrale, le ton est une association des différentes classes d’âge fondée sur la base de l’entraide, de la solidarité et de la fraternité nouées au cours des pratiques d’initiation dans un même village. Il s’agit donc des groupes de secours mutuels, des coopératives de travail dont les membres sont liés par des liens sacrés, chargés de mener à la fois des activités de production agricole, d’amélioration du cadre de vie, de loisir, de civisme et de culture.

[5] Mali, Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL). (2002), La décentralisation au Mali : Etat des lieux et perspectives.

[6] Arrêté N° 08-0269/MATCL-SG du 04 février 2008 fixant les modalités de nomination des chefs de village, de fraction et de quartier au Mali.

[7] Décret, N°06-567 P-RM du 29 décembre 2006, fixant le mode de désignation des conseillers de village de fraction et de quartier et les modalités de fonctionnement des conseils de village, de fraction et de quartier au Mali.

[8] Mali, Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL). (2013), Guide pratique du maire et des conseillers communaux.

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