Introduction du numéro : Dans l’arène de l’économie informelle en Côte d’Ivoire
Dali Serge LIDA Maître de conférence en sociologie économique – Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan (Côte d’Ivoire)
Un examen transversal du fonctionnement des économies des pays en développement montre, de façon globale, un déséquilibre entre les secteurs dits formel et informel. Un déséquilibre dans lequel le secteur dit informel l’emporterait sur le secteur dit formel, aussi bien statistiquement/démographiquement que politiquement. Dans la plupart de ces pays, en effet, le secteur informel concentre plus de la moitié (50,5%) des emplois non agricoles (BIT, 2018) et constitue par ricochet une éponge à emplois. De même que politiquement, ce secteur cristallise l’ensemble des programmes et actions publiques visant à restructurer l’économie, en termes de création d’emplois, de mobilisation de l’épargne ainsi que d’ajustement de la fiscalité (Charmes J, 2003 ; Gaufryau, B. et Maldonado C, 2013).
Des idées reçues au fonctionnement concret de l’économie informelle en Côte d’Ivoire
Dali Serge LIDA, Rusticot Soho De Bloganqueaux DROH, Youssouf MEITE, Roch YAO GNABELI
Résumé
Ce texte analyse certaines idées reçues en rapport avec le secteur informel dont on cherche à savoir si elles sont opérantes ou non dans le fonctionnement concret de l’économie informelle en Côte d’Ivoire. Ces idées renvoient aux assertions selon lesquelles le secteur informel est i) facile d’accès ; ii) inutile et donc à supprimer ; iii) un lieu de refuge pour personnes vulnérables et iv) un secteur en marge des nouvelles technologies. Ce texte s’appuie sur des données secondaires de type qualitatif issues des travaux sur le secteur informel menés par le Laboratoire de Sociologie Économique et d’Anthropologie des Appartenances Symboliques (LAASSE) de l’Université Félix Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire). Il fait donc référence à une analyse documentaire basée sur les contenus de deux thèses, sept mémoires et onze articles. Les résultats de cette analyse démontrent globalement que les différentes idées reçues identifiées s’avèrent très peu opérantes dans le fonctionnement concret du secteur informel.
Mots clés : Secteur informel, économie informelle, monopole, déguerpissement, facile d’accès.
Abstract
This article confronts some received ideas about the informal sector with the reality of its functionings in Ivory Coast. According to these received ideas, 1) entry in this sector is easy, 2) this sector is not useful, and therefore should be eliminated, 3) it is a shelter for vulnerable people, 4) it doesn’t take part in new technologies. This text is a secondary exploitation of qualitative data provided by research results from the Laboratoire de Sociologie Economique et d’Anthropologie des Appartenances Symboliques (LAASSE) of the Félix Houphouët Boigny University in Ivory Coast. It appears that the received ideas which have been identified are at variance with the characteristics of the informal sector as it operates in the real world.
Imaginaires et pratiques sociales d’insertion des jeunes dans l’activité agricole en Côte d’Ivoire : Étude de cas
Jean –Louis Lognon, Vasseko Karamoko, Tiery Sokoto
Résumé
L’article s’inscrit dans un ensemble d’approches qui analysent les activités agricoles comme des activités du secteur informel en Côte d’Ivoire. Sur cette base, il analyse la trajectoire d’insertion professionnelle des jeunes issus de deux dispositifs de formation en agriculture en Côte d’Ivoire à savoir la Plate-Forme des Service (PFS) de la localité de Songon et l’Institut Privé d’Agriculture Tropicale (INPRAT). Dans le premier cas, l’étude questionne la faible insertion des jeunes autochtones Ebrié Atchan dans la culture maraichère. Le second cas est relatif à la trajectoire sociale d’insertion professionnelle des diplômés de BTS en agriculture dans les emplois salariés en lieu et place de l’entrepreneuriat agricole. Il ressort de l’analyse des données issues de l’enquête qualitative que la trajectoire d’insertion professionnelle des jeunes à l’étude est la résultante d’un ensemble imaginaires sociaux relatifs au diplôme d’agriculture, à l’agriculture, au statut d’agriculteur et à l’emploi salarié et non salarié.
Mots clés : Jeunes, insertion professionnelle, agriculture, entrepreneuriat agricole, Côte d’Ivoire
Abstract
This contribution is situated within an orientation of research which analyses agricultural activities as activities of the informal sector in Ivory Coast. It studies the trajectory of professional integration of young people having been trained by two organizations in Ivory Coast, i.e. the Plate-Forme des Services (PFS) of Songon, and the Institut Privé d’Agriculture Tropicale (INPRAT). The first case study reveals the low degree of integration of young Ebrié Atchan graduates in the truck farming sector. In the second case study, young people having obtained a BTS in agriculture tend to be searching wage earning occupations, rather than trying to become agricultural enterpreneurs. The analysis of qualitative inquiry data shows that the professional trajectories of these young people are the result of a whole set of social representations pertaining to the graduation in agriculture, to agriculture itself, to the social status of agricultural enterpreneurs and of salaried employees.
De la concurrence entre l’économie informelle et l’économie formelle : étude de cas dans le secteur de la loterie en Côte d’Ivoire
OUATTARA Sangboliéwa Lanzeny, SOKOTO Tiéry et LAGO Akabla Yvon,
Résumé
Ce texte analyse les stratégies d’adaptation et de coexistence du Loto Ghanéen (informel) et du Loto Bonheur (officiel) sur l’espace des jeux de hasard et d’argent. L’étude part du fait qu’en Côte d’Ivoire, le secteur des jeux de loterie reste concurrentiel en dépit de la loi n° 70- 355 du 26 mars 1970, portant création de la Loterie Nationale de Côte d’Ivoire (LONACI) et interdiction d’organisation d’autres types de loteries. L’analyse de données essentiellement qualitatives montre que, face à la prolifération des jeux « illégaux » à l’instar du Loto Ghanéen, la LONACI a développé des réponses afin de conforter son monopole à travers le Loto Bonheur ; une situation qui favorise une adaptation permanente des stratégies de maintien et de contrôle de l’espace des jeux de loterie en Côte d’Ivoire. Aussi, en réponse aux amendes et à la colonisation des espaces de Loto Ghanéen par le Loto Bonheur, l’offre informelle s’est-elle accentuée au travers de l’usage des appels téléphoniques, des SMS et groupes virtuels (WhatsApp et Facebook). En outre, certains coupeurs de paris illégaux reconvertis en collecteurs légaux usent de stratégies pour dissimuler et faire coexister le Loto Ghanéen et le Loto Bonheur sur le même espace des jeux.
Mots clés : Economie informelle, jeux de loterie, monopole, concurrence, Côte d’Ivoire
Abstract
This text analyzes the strategies of adaptation and coexistence of « Ghanaian (informal) Lotto » and « Lotto Bonheur » (official) in the gambling space. The study starts from the fact that in Côte d’Ivoire the lottery games sector remains competitive despite Law No. 70- 355 of March 26, 1970, establishing the National Lottery of Côte d’Ivoire (LONACI) and prohibiting the organization of other types of lotteries. The analysis of essentially qualitative data shows that, faced with this proliferation of « illegal » games like the « Ghanaian Loto », LONACI has developed responses to consolidate its monopoly through the « Loto Bonheur ». A situation which favours a permanent adaptation of strategies for maintaining and controlling the area of lottery games in Côte d’Ivoire. Thus, in response to the fines and the colonization of “Loto Ghanéen” spaces by the “Loto Bonheur”, the informal offer has increased using telephone calls, SMS and virtual groups (WhatsApp and Facebook). In addition, some illegal betting cutters converted into legal collectors use strategies to conceal and make “Loto Ghana” and “Loto Bonheur” coexist on the same playing area.
Keywords: Informal economy, lottery games, monopoly, competition, Ivory Coast
Logiques sociales et enjeux de l’utilisation de la main d’œuvre familiale dans les PME et les microentreprises du secteur informel en Côte d’Ivoire
Sagbo Jean-Louis Hippolyte LOGNON – Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire)
Résumé
Cet article analyse les logiques sociales et les enjeux de l’utilisation ou non de travailleurs issus des réseaux familiaux dans les PME et les microentreprises informelles en Côte d’Ivoire. Les résultats de l’étude montrent que l’utilisation de travailleurs provenant du réseau familial répond à une logique altruiste et affective avec un enjeu de productivité et de réduction des coûts d’agence, en raison de l’engagement et de la confiance qu’induisent les liens de parenté. En revanche, le faible recours au réseau familial repose sur une logique de construction d’une frontière symbolique entre sphère productive (l’entreprise) et sphère non productive (la famille) ; l’enjeu étant la performance économique basée sur une gestion des compétences accordant la primauté aux compétences techniques.
Mots clés : Main d’œuvre familiale, secteur informel, logiques sociales, entreprise familiale, Côte d’Ivoire
Abstract
This article analyzes the social logics and issues of the use and non-use of workers from family networks in SMEs and informal microenterprises in Côte d’Ivoire. The results of the study show that the use of workers from the family network responds to an altruistic and affective logic with an issue of productivity and reduction of agency costs due to the commitment and trust that induce kinship ties. On the other hand, the weak recourse to the family network is based on a logic of construction of a symbolic border between the productive sphere (the company) and the non-productive sphere (the family), the stake being the economic performance based on the management of skills giving priority to technical skills.
Key words: Family workforce, informal sector, social logics, family enterprise, Cote d’Ivoire